vendredi 21 novembre 2008

Par Harry Bellet, Donations Daniel Cordier

Contrairement à ce que pourrait laisser craindre la délicatesse décorative du matériau employé, jamais Bettencourt ne fait, dans ses assemblages, voler le papillon. Les ailes soigneusement arrachées, puis collées sur leur support d’ardoise, concourent toutes, en effet, à favoriser la puissance d'expression et la vigueur d’un ensemble qui, une fois achevé, possède bien plus de force que les éléments fins et fragiles qui le constituent. L’objet principal est une figure fantastique, totémique, à laquelle le papillotement des ailes confère l’étrangeté du barbare, la luxuriance chargée de symboles des idoles océaniennes. Le contraste entre la moire des ailes et la rugosité de l’ardoise, entre le noir du fond et la luminosité des couleurs, est parfois estompé en vernissant certaines parties, ou en les enduisant d'un blanc opaque qui réserve la silhouette du fétiche et relie ses éléments entre eux. Ces « Grosses têtes » ont la symétrie des formes encrées d'un test de Rorschach, l’éclat et la frontalité des icônes Acheiropoïètes. Non faites de main d'homme, elles confèrent l'éternité aux éphémères papillons.

Harry Bellet,
in Donations Daniel Cordier, Le regard d'un amateur,
1989, Collection du Musée national d’Art moderne,
Centre Georges Pompidou, extrait p. 60

Aucun commentaire: