vendredi 28 novembre 2008

mardi 25 novembre 2008





Petit personnage effarouché, Série Petits personnages, 1993

Couple de poissons carnivores découvrant au fond de la mer le cadavre encore chaud de Vasco de Gama




Sans titre


Sans titre


Voyante extralucide, 1991







Le chat botté montreur de souris, 1991




Sans titre, 1991






Sans titre, circa 1980










Sans titre, circa 1990

vendredi 21 novembre 2008

Par Harry Bellet, Donations Daniel Cordier

Contrairement à ce que pourrait laisser craindre la délicatesse décorative du matériau employé, jamais Bettencourt ne fait, dans ses assemblages, voler le papillon. Les ailes soigneusement arrachées, puis collées sur leur support d’ardoise, concourent toutes, en effet, à favoriser la puissance d'expression et la vigueur d’un ensemble qui, une fois achevé, possède bien plus de force que les éléments fins et fragiles qui le constituent. L’objet principal est une figure fantastique, totémique, à laquelle le papillotement des ailes confère l’étrangeté du barbare, la luxuriance chargée de symboles des idoles océaniennes. Le contraste entre la moire des ailes et la rugosité de l’ardoise, entre le noir du fond et la luminosité des couleurs, est parfois estompé en vernissant certaines parties, ou en les enduisant d'un blanc opaque qui réserve la silhouette du fétiche et relie ses éléments entre eux. Ces « Grosses têtes » ont la symétrie des formes encrées d'un test de Rorschach, l’éclat et la frontalité des icônes Acheiropoïètes. Non faites de main d'homme, elles confèrent l'éternité aux éphémères papillons.

Harry Bellet,
in Donations Daniel Cordier, Le regard d'un amateur,
1989, Collection du Musée national d’Art moderne,
Centre Georges Pompidou, extrait p. 60

Présentation, par Henri Michaux

Ceux qui aiment le pain parfaitement blanc, qu’ils n’entrent pas ici : Peinture impure. Chargée, obsédée, possédée.
Venue non d’instants agités qui se dispersent dans des tableaux, qui eux-mêmes se dispersent, distraits pour augmenter la distraction de tous, pas davantage des gammes excitées des artistes du savoir-faire, mais de longues évocations de plus en plus présentes, pesantes, pressantes, dépôt ferme d’un monde dont quelqu’un était lourd, ne sachant comment vivre avec lui, ni comment vivre sans lui.
Peinture pour que succubes et fantômes se substantialisent et restent. Ici s’établissent les monstres patients, inflexibles, à la pensée unique, attendant d’être satisfaits, le juge dur aux traits de pierre, le témoin froid comme le meurtre, le double impassible, qui à travers les actes et les événements de la vie regarde uniquement le destin, qui s’accomplit sans un pli.
Et l’on perçoit un extraordinaire silence, pas entendu depuis longtemps.
Appelée par un désir impérieux, la femme entre, plus nue qu’une chair d’hôpital, tantôt vampire, tantôt vampirisable.
Pour appâter le paradisiaque corps féminin dont le rêveur insatisfait ne se lasse pas de rêver, il agit comme le sorcier africain, qui par sifflements et chuintements saccadés contrefaisant le glou-glou liquide des gouttes tombantes, va obliger la pluie séduite à ne plus résister et à couler sur les terres qui l’attendent, assoiffées.
Afin de mieux attirer la femme désirée, il utilise pour elle par-dessus le panneau peint et un premier rembourrage en relief, des matières homologues comme grains de maïs ou de café, soumises aux mêmes lois d’épanouissement de mûrissement et si l’on peut dire de cueillette… le sang, l’arrachement, et le viol n’était pas loin, ce semble.
Quant au spectateur, il ne sait plus, rejoint de partout, avec quel sens, quelles pensées, il subit la vue de ces éléments parlants et dévoyés. Quel nu apparut jamais plus nu, plus inoubliablement nu que ce ventre en coquille d’œuf inégalement écrasée, à la membrane coquillière satinée, presque une muqueuse ? Modelé qui provoque en celui qui le contemple un extraordinaire appel à modeler.
Matières tentatrices, pervertissantes, choisies dans la nature, en ayant gardé les pouvoirs, ayant donc tout ce qu’il faut, bien maniées, pour devenir contre nature. Ambivalence sans fin. Des duvets disent une extrême, une infinie douceur autour de ce qu’on appellerait des aires de malfaisance.
La jouissance esthétique pareillement troublée trouvera souvent un crapaud sur sa table. Mais tout ici est nécessité, fait par nécessité.
Un poids, une pression insolite avertit de ne pas comparer avec les œuvres des autres.
Habitant un hameau à quarante lieues de Paris, loin de tout, apparemment sans distractions dans une pièce quelconque au milieu de formes gonflées d’érotisme, émanées de lui et revenant sur lui, enfermé dans leur barrage comme à l’intérieur d’un carré magique, P.B. depuis deux ou trois ans vivait avec elles, ne les montrant que de loin en loin à quelqu’homme de passage, au hasard, lequel se sentait indiscret et repartait drôlement frappé… quand enfin il s’est laissé décider à une séparation.
Les maîtres de la chambre secrète qu’ils tenaient envoûtée les voici donc.
Les voyeurs vont venir. Que va-t-il se passer ?

Henri Michaux,
Présentation d’Henri Michaux à la première exposition
de Pierre Bettencourt à la Galerie René Drouin en 1956

Repères biographiques










Né le 28 juillet 1917 à Saint-Maurice d’Etelan (Seine-Maritime),
décédé à Stigny en 2006
1927 Chasse déjà, avec succès, les papillons
1941 Fait l’acquisition d’une presse et d’un matériel d’imprimerie qui vont lui permettre d’éditer
(avec semble-t-il une certaine licence typographique)
des textes de Paulhan, Artaud, Henri Michaux
1952 Après avoir voyagé en Océanie et aux Indes, recommence à chasser les papillons en compagnie de Jean Dubuffet
1956 Expose son tableau de chasse sous forme d’assemblages, avec ses premiers hauts-reliefs (10), à la galerie René Drouin. De nouveaux voyages le conduisent au Mexique, en Colombie et au Pérou
1961 Galerie René Drouin (15 hauts-reliefs)
1964 Galerie Daniel Cordier, Paris (23 hauts-reliefs)
1967 Galerie Emilio Arditti, Paris (32 hauts-reliefs)
1969 Galleria dei Naviglio, Milan (13 hauts-releifs)
Maison du Tourisme, Auxerre (7 hauts-reliefs)
1970 Galerie Nord, Lille
1971 Galerie Arditti, Paris
1972 Galerie Nord, Lille
1975 Galerie Paul Ambroise, Paris (40 hauts-reliefs)
Musée des Beaux-Arts, Lyon (7 hauts-reliefs)
1977 FIAC, stand galerie Daniel Gervis (cabinet particulier)
1978 Galerie Daniel Gervis, Paris
1980 Librairie Obliques, Paris (livres)
1984 Galerie Beaubourg, Paris
Le Bleu du Ciel, Vézelay
1985 Nouvelle Biennale de Paris (cabinet particulier)
1987 Galleria dei Naviglio, Milan (25 hauts-reliefs)
Galerie Caroline Corre, Paris
Galerie Lucien Bilinelli, Bruxelles
1988 Librairie Oterelo, Paris (livres)
1990 Donations Daniel Cordier, Musée National d'Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris (10 hauts-reliefs et
collages de papillons)
1991 Galerie de l'Ecole des Beaux-Arts, Nantes
Rétrospective, Centre d'Art Contemporain de Tanlay
Galerie Baudoin Lebon, Paris (22 hauts-reliefs et
12 collages de papillons)
1993 FIAC, stand galerie Baudoin Lebon (20 obélisques)
1995 Galerie Baudoin Lebon, Paris (dessins)
1997 Rétrospective, Bibliothèque Municipale de Rouen (livres)
2004 Abbaye de Saint-Germain, Auxerre
2008 Espace Berggruen, Paris